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Murmuration


Saurez-vous trouver le point commun qui existe entre du sable, des étourneaux, des sardines et des intentions de vote ? Non, il ne s’agit pas d’une discussion politique agitée lors d’un repas dominical en bord de mer, à l’ombre d’un cerisier mais plutôt des interactions dynamiques qui lient les éléments d’un groupe, telles qu’une fluctuation individuelle impacte chacun et provoque une réponse collective : ainsi le mouvement coordonné d’un blanc de poissons (sardines run) ou d’une nuée d’oiseaux (étourneaux sansonnets) juste avant le crépuscule. Chaque minuscule déviation est sublimée et amplifiée par le groupe en figures synchronisées joliment nommées ‘murmuration’ par les anglais. Se former en masse est une stratégie de survie pour impressionner et désorienter les prédateurs en cas de fuite. Elle concerne des animaux sociaux auto-organisés ou des espèces grégaires qui ont la faculté de sentir les vibrations des fluides environnants (air, eau) adoptant ainsi la même vitesse et même direction que leurs voisins.

Ces nuages tournoyants et masses tourbillonnantes répondent à un modèle qualifié d’intelligence distribuée (repris sous l’appellation ‘en essaim’ dans le domaine de la robotique) où l’union du groupe l’emporte sur l’individu, sans concertation préalable, relation de dominance ou supervision quelconque (cela fait rêver). Ainsi, chez les fourmis, le plus court chemin jusqu’à une source de nourriture sera d’autant plus marqué (traces odorantes) qu’il y aura d’individus à passer : un bel exemple d’auto-amplification sans coordination directe (stigmergie). Cet algorithme dit ‘des colonies de fourmis’ est aujourd’hui appliqué à l’étude d’autres problèmes d’optimisation combinatoire : les mouvements de foule (applaudissements, panique collective, propagation de rumeur, intentions de vote, ...), l’engorgement des réseaux urbains (télécommunications ou routiers) de neurones, voire l’ordonnancement de la production (méthode du chemin critique). Le système est qualifié de critique quand tous les éléments s’influencent mutuellement à l’image du grain de sable de trop qui réduit à néant l’équilibre de la structure en tas.